Pour avoir dérobé la moto d’un septuagénaire, Yaya, la trentaine révolue, a été condamné à 12 mois de prison dont 6 fermes par le Tribunal de grande instance de Ouagadougou. Cet expatrié togolais, manager de bar et aide-maçon, comme il se réclame, avait pourtant plaidé non coupable. Mais ce rusé a simplement été rattrapé par les faits.
«Si vous me condamnez à la prison, je ne pourrai pas travailler, obtenir l’argent nécessaire pour la réparation de mon tort » : par cette supplication adressée aux juges, Yaya espérait pouvoir échapper à une condamnation imminente. Car monsieur Compaoré, ce vieil homme à qui il a soutiré la moto, lui a réclamé la somme de 200 000 F CFA, à titre de dommages et intérêts tandis que le procureur a requis contre lui la peine d’emprisonnement de 12 mois dont 3 fermes. C’est à croire qu’en réalité, le jeune trentenaire, visage allongé, cheveux drus et regard fuyant, venait juste d’opérer une dernière tentative de ruse pour se tirer d’affaires.
En matière de ruse, Yaya a, en effet, plus d’un tour dans le sac. Sauf que ce n’est pas tous les jours que ça marche. C’est d’ailleurs pour cela qu’il se retrouve à la barre du tribunal de grande instance de Ouagadougou pour s’expliquer des faits d’escroquerie.
L’affaire remonte à février 2024. Yaya s’est alors concocté un plan pour se faire du fric. Le pognon, il n’en a pas comme il aurait souhaité. Manager de bar, il a été remercié. Et aide-maçon, ça ne lui rapporte, à ses yeux, que des miettes. S’il possédait une moto, il l’aurait vendu pour sortir de cette galère. Mais à défaut, s’est-il dit, il peut dérober la moto d’autrui. Ça lui permettra de se faire subitement des sous et moins péniblement d’ailleurs, s’est-il conseillé. Une voix intérieure lui a soufflé qu’à la gargote togolaise du quartier qu’il fréquente, il pourrait y mettre son plan à exécution. Les derniers jours, Yaya avait d’ailleurs repéré une proie : Monsieur Compaoré, ce septuagénaire qui vient de temps en temps garer sa moto et boire un coup.
Le plan est simple : il suffira à Yaya d’établir, dans un premier temps, une relation de confiance avec monsieur Compaoré. Il pourra ensuite offrir un verre de trop au vieil homme qui, au final, ne se rendra compte de presque rien. En peu de temps, Yaya a, en effet, créé des liens de familiarité avec monsieur Compaoré. Au septuagénaire, il a fait croire qu’il est un habitué du quartier ; qu’il a sa famille juste à deux pas de la gargote. Assez rassurant pour que l’homme aux cheveux blancs ne décline pas l’offre d’une bouteille de bibine de sa part.
Après avoir bavardé longuement autour d’un verre avec monsieur Compaoré, Yaya a estimé ce moment idéal pour passer à l’action, même si le vieil homme n’a pas perdu de sa lucidité. « Il m’a demandé les clés de ma moto me disant qu’il allait faire une petite course et revenir. Quand il est parti, je suis resté là à attendre. Il n’est plus jamais revenu », a expliqué monsieur Compaoré aux juges.
La moto entre ses mains, il ne restait plus à Yaya que de tout mettre en œuvre pour ne pas être repéré, le temps de liquider le butin. Monsieur Compaoré lui, a vite fait de signaler la perte de son engin aux services compétents. Et au bout d’une semaine, sa démarche a payé : Yaya a été interpellé par les Koglweogo, un groupe d’autodéfense, et remis à la justice. Mais il avait déjà eu le temps de dépiécer la moto, histoire de brouiller les pistes des enquêteurs.
Questionné lors de son interrogatoire sur ses intentions autour de la moto, Yaya a cru trouver un argument solide pour se tirer d’affaires en déclarant ceci : « lorsque j’ai quitté Monsieur Compaoré, j’ai été victime d’un accident en cours de route. La moto a pris un coup et j’ai jugé bon de la réparer d’abord avant de la rendre. Mais je n’ai pas pu le faire jusqu’à ce que les Koglweogo m’interpellent une semaine plus tard », s’était-il défendu.
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A la barre, Yaya a maintenu l’argument de l’accident. Mais c’est à peine s’il a convaincu une seule partie au procès. « Vous avez choisi de ne pas dire la vérité mais je vous conseille de la dire. Sinon votre dossier n’est pas compliqué et il ne faut pas la compliquer », lui a, en effet, lancé le procureur.
Avant de requérir qu’il plaise au tribunal de condamner Yaya à 12 mois de prison dont 3 fermes, le ministère public a souhaité que les faits d’escroquerie reprochés au prévenu soient requalifiés en abus de confiance. Mais le juge qui a reconnu le jeune homme coupable a eu la main plus lourde après avoir accédé à la requête du parquet sur la requalification des faits. Yaya a été condamné à 12 mois de prison dont 6 fermes. En plus de la privation de liberté, il devra payer les 200 000 F CFA réclamés par la victime.
Yaya qui espérait la liberté afin de travailler et honorer les réclamations civiles a été débouté. A ce moment précis, il pouvait réaliser combien la liberté est chère. Pour éviter une vie en taule et ses angoisses, il aurait dû se contenter de son modeste gagne-pain et faire sienne la pensée de l’écrivain Voltaire qui affirmait que « le travail éloigne de nous trois grands maux : le vice, l’ennui, et le besoin ».
Bernard Kaboré