A l’occasion de la 21e édition de la Semaine nationale de la culture (SNC), le Centre pour la gouvernance démocratique (CGD) a organisé un panel qui s’est tenu le jeudi 2 mai 2024 dernier dans la salle de conférence de la Chambre de commerce et d’industrie de Bobo Dioulasso. Les échanges ont été conduits par d’éminents enseignants chercheurs autour du thème « Rôle et place de la culture dans la promotion de la cohésion sociale, la refondation de l’Etat et le développement du Burkina Faso : défis et perspectives ».
Quatre sous thématiques ont été développées au cours de ce panel. La première communication faite par le Docteur Vincent Sédégo a porté sur « culture et développement : comment repenser le développement à partir de ses valeurs endogènes ? ». Dans son exposé, il note que les Burkinabè ont fait une confusion entre religion et traditions, la religion étant considéré comme les rapports avec Dieu, et la tradition comme tout ce que l’individu organise autour de lui, ses modes ou manières de vie, ou les actes posés au fur et à mesure.
« C’est une question d’éducation. A un certain moment, on n’a pas tenu compte des valeurs culturelles pour enseigner, éduquer et instruire. Aujourd’hui, la société est telle que l’individu est laissé à lui-même. Il faut plus de responsabilisation des parents dans l’éducation et la vie des enfants », a plaidé Dr Vincent Sédégo.
Par ailleurs, la problématique de la culture et la cohésion sociale a aussi fait l’objet de débats. « Culture et cohésion sociale : comment ressouder le tissu social multiculturel à partir des perspectives historiques et socio-anthropologiques ? », c’est la sous-thématique traitée par le Dr Doti Bruno Sanon. Selon lui, il faut repartir dans le passé, collecter toutes les coutumes afin de construire le présent.
En matière d’éducation et de culture, les travaux du Pr Joseph Ki-Zerbo peuvent servir de boussole. Et pour autant, le Docteur Abdoulaye Barro sous le thème y a consacré une thématique intitulée « Culture, république et démocratie chez Joseph Ki-Zerbo ».
Dans sa communication sur la culture et la refondation de l’Etat, le Professeur Léon Sampana. E relevé deux niveaux pour refonder l’Etat et repenser ses institutions, en se basant sur les valeurs culturelles endogènes, positives, et convergentes. Le premier niveau est relatif aux institutions. A en croire le Pr Léon Sampana, il s’agit d’exploiter les valeurs culturelles, et se réapproprier le modèle de l’arbre à palabre comme une mode de gouvernance des affaires publiques, vecteur de dialogue social. Pour lui, l’arbre à palabre est un mécanisme important qui peut trouver sa place dans la plupart des institutions qui, le plus souvent, disposent d’un service contentieux chargé des conciliations, qui est une mode de résolution des conflits et de pacification de la société. Et de regretter l’absence du médiateur du Faso en ces termes : « Il est regrettable que le médiateur du Faso soit dissout au Burkina Faso. (…) Il aurait fallu réformer l’institution en attendant la création d’une autre plus forte » déplore le Professeur Léon Sampana.
Toujours à propos de l’arbre à palabre, Pr Sampana estime qu’il faut considérer le consensus comme mode de prise de décision. « L’arbre à palabre fait participer tous les acteurs concernés. Il faut donc la mobiliser pour créer une chambre de légitimation qui échapperait à toute forme de politisation, qui va participer à la régulation politique » ajoute-t-il. Pour ainsi refonder l’Etat à partir des valeurs cultuelles endogènes, au-delà de l’arbre à palabre, il faut de la transparence. Le service pour l’intérêt général. « Avec l’Etat moderne, l’Etat devient comme un instrument aux mains de certains individus. Or, il faut de la transparence. Il faut aussi explorer les alliances de plaisanterie pour raffermir la cohésion sociale », suggère Léon Sampana.
Outre les institutions, le deuxième niveau sur lequel il faut refonder l’Etat porte sur les individus. Selon ce paneliste Sampana, Il faut que les hommes puissent intégrer les différentes valeurs culturelles. « Il ne sert à rien de refonder l’Etat sur les hommes qui le constituent ne s’approprient pas les valeurs. Il faut l’intégrité ; le mensonge n’est pas un instrument de bonne gouvernance. Il faut aussi considérer la sacralité de la vie humaine. Cela va permettre de respecter plus les droits de l’Homme » soutient-il.
Il explique par ailleurs que la crise de l’État se résume à la crise des valeurs, et il s’impose de rééduquer la société sur les valeurs, en plus de refonder l’Etat. Le Professeur Léon Sampana précise en ces qu’ il faut réconcilier l’Etat légal et l’Etat légitime. Le Burkina Faso a besoin non seulement d’institutions fortes mais aussi d’hommes pleins de valeurs et pleins de positivité. Il s’agit de la symbolique de l’arbre à palabre ». Considérant l’Etat moderne comme une invention de l’Occident, le Pr Sampana affirme que « dans le cadre de la refondation de l’État, c’est à nous d’inculquer les valeurs ; nous les approprier pour avancer ».
A ce sujet, Dr Dramane Konaté, modérateur du panel pense que sur le chemin qui mène à la refondation, l’éducation constitue un passage obligé : « Je pense qu’on doit mettre l’accent sur l’éducation, intégrer ces valeurs culturelles dès l’école primaire pour que les futurs dirigeants soient formés sur la base de nos réalités. C’est ce qui nous permettra de refonder véritablement l’Etat, pour un développement réel des populations » indique Dr Dramane Konaté.
Jacques Compaoré