Le monde entier consacre chaque année la journée du 3 mai comme celle de la liberté de la presse. Au Burkina Faso, les activités marquant la célébration 2024 ont été lancées au Centre national de presse Norbert Zongo (CNP-NZ), à Ouagadougou. Ce fut au détour d’une cérémonie qui a connu la participation de plusieurs personnalités aussi bien du monde de la presse que d’autres entités. Au nombre des activités, il y a eu le lancement du rapport 2023 sur l’indice de liberté au Burkina qui note un recul de 0,25 point par rapport à 2022.
Dans quel état se trouve la liberté de la presse au Burkina. Comme à chaque célébration de la journée du 3-mai, la réponse à cette question est toujours des plus attendues. A-t-on reculé au point de tirer la sonnette d’alarme ? Ou a-t-on gagné en quelques points, pour se réjouir d’un environnement favorable à l’exercice du métier d’information ? Pour 2024, ceux qui s’attendaient à voir les signaux au vert ont dû se raviser après la présentation des grandes lignes du rapport sur l’indice de la liberté de presse et d’expression.
Ce rapport qui couvre la période du premier mars 2023 au 31 mars 2024 et repose sur une « méthodologie participative » avec en jeu, six objectifs dont les normes juridiques et sociales favorables ou non la profession des journalistes, la diversification médiatique et l’offre d’informations fiables, la viabilité des entreprises de presse, la contribution des organisations professionnelles de médias, …
Présenté par par le journaliste et enseignant chercheur, Moussa Sawadogo, le rapport établit l’indice de la liberté de la presse à 1,96 en 2023 sur une moyenne de quatre points. Si cet indice montre que le Pays des hommes intègres « remplit les conditions minimales d’exercice de la liberté de la presse, il n’en demeure pas moins que cette liberté est en état de recul, fait noter Moussa Sawadogo. Un recul de 0,25 point par rapport à 2022 où l’indice était de 2,21.
A la lumière des résultats du rapport, il faut dire que de façon générale, la liberté de presse et d’expression s’est détériorée au Burkina au fil des dernières années, particulièrement depuis 2028. A titre d’illustration, l’indice était de 2,50 en 2019 et a chuté à 2,41 en 2020 avant de dégringoler à 1,96 en 2023. Entre autres goulots d’étranglement, Moussa Sawadogo relève la caducité des normes juridiques et sociales devant encadrer la liberté d’expression, mentionnant au passage les menaces contre les journalistes, l’accès difficile à l’information publique. A cela, il ajoute « un discours de haine déshumanisant les hommes de médias » quand ce n’est pas plutôt un discours « stigmatisant » porté par les dirigeants.
Après avoir identifié les obstacles qui entravent la liberté de presse et d’expression, le rapport recommande un certain nombre d’initiatives en vue d’une amélioration de la situation. Entre autres recommandations, le document invite les autorités de la transition à « revoir leurs rapports avec les médias », une « clarification de leur position » face aux menaces dont les hommes de médias font l’objet mais aussi une réactivité de la justice face à ces menaces.
Membre du Comité de pilotage du CNP-NZ, Siriki Dramé a estimé que le climat d’exercice de la liberté de la presse s’est particulièrement détérioré sous la gouvernance du MPSR 2. « Au moment où nous commémorons cette journée, une vague de suspension s’abat sur des médias », citant TV5 Monde, BBC et d’autres médias récemment suspendus pour avoir fait échos d’un rapport de l’ONG Human rights watch accusant les Forces armées burkinabè d’exactions. « Sous le MPSR 2, des médias et leurs travailleurs sont menacés, des défenseurs de droits humains sont contraints à l’exil », ajoute monsieur Dramé qui, en outre, voit d’un mauvais œil la nouvelle loi sur le Conseil supérieur de la communication. Et de rappeler que le métier du journaliste n’est pas de faire plaisir mais de remuer la plume dans la plaie.
En dehors du lancement du rapport et la traditionnelle déclaration du 3-Mai, un match gala entre hommes de médias et Forces de défense et de sécurité ainsi que le lancement du prix Marie Soleil Frères de la meilleure journaliste burkinabè, ont marqué la commémoration de la Journée mondiale au Burkina, en attendant le 20 octobre pour une journée nationale dédiée à la même cause. Ce fut par ailleurs une journée de réflexion autour d’un panel reprenant le thème national de la commémoration « quel rôle pour le journaliste en situation de guerre ».
Bernard Kaboré